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Nos amis les algorithmes

Auteur : Philippe Contal

Ils sont partout. Ils nous épient, nous surveillent, collectent nos données personnelles, nous conditionnent à coup de recommandations… Les algorithmes, véritables fantômes - car invisibles - de nos sociétés connectées sont au centre de beaucoup d’attentes et de mythes.

Nous ne les voyons pas mais ils sont le véritable poumon - si ce n’est pas le cœur - des outils que nous utilisons quotidiennement. Les recommandations commerciales, les réponses proposées par les moteurs de recherche, la publicité intrusive, les suggestions de contacts dans les réseaux sociaux… les applications sont nombreuses et variées. Il ne s’agit le plus souvent pas d’intelligence artificielle, même si le terme est utilisé. Mais d’ailleurs, l’Intelligence Artificielle, c’est quoi au juste ? 

Si l’on se borne à une définition mot à mot, l’IA serait une technologie capable de nous remplacer, en particulier dans nos capacités cognitives et d’adaptation. Sur ce plan, le chemin est encore long car si nous sommes capables de fabriquer des machines qui nous dépassent pour jouer aux échecs ou au jeu de go¹, il ne s’agit en vérité que d’une capacité de calcul pour une application très spécifique. 


Alors de quoi parle-t-on exactement ? 


La meilleure définition que j’ai pu trouver me semble être celle de Robin Bordoli². Et comme explication, on ne fait pas mieux : voici donc la formule « mathématique » qui définit l’intelligence artificielle :

AI = TD + ML + HITL 

Traduction : IA = DE + AA + HDLB 


Encore faut-il expliquer les paramètres de cette magnifique équation.

L’Intelligence Artificielle (IA) est donc la « somme » de Données d’Entraînement (DE ou Training Data), de l’Apprentissage Automatique (AA ou Machine Learning) et de l’Homme Dans La Boucle (HDLB ou Human In The Loop). Ce n’est pas une formule magique, mais cela permet de mieux comprendre les composants qualifient les algorithmes comme intelligents. 

Au commencement étaient les données… 


En effet, la grande différence entre l’informatique actuelle est la connaissance scientifique qui reste la base de notre connaissance du monde est l’importance des données. Auparavant, les équations étaient le principal outil pour comprendre le monde. Aujourd’hui, les capacités de collecte et de traitement de données permettent d’inverser le processus. C’est d’ailleurs ce qui rend si puissants les acteurs comme Google et Facebook… Leur cœur de métier vise à collecter des informations personnelles des utilisateurs pour les monétiser en vendant de la publicité ciblée. Et le résultat est incontestable !

Le combat est depuis longtemps inégal car nos emblématiques notifications informant les internautes de l’usage des cookies³ est bien ridicule par rapport à la pêche industrielle réalisée sur nos données comportementales. Mais cela rassure. La Commission Européenne a dressé un mur en papier à cigarette. 

… Puis vint l’apprentissage automatique

L’apprentissage automatique vise à analyser un grand nombre de données pour en tirer des corrélations et « prédire » l’avenir. Notons qu’il s’agit bien d’une corrélation et non pas de lien de causalité. L’apprentissage fonctionne généralement sur un jeu partiel de données. Une phase de vérification est ensuite nécessaire pour valider les hypothèses.

Une boucle permet donc de réduire l’écart entre l’hypothèse et la réalité des données de test. La puissance de calcul à laquelle nous avons accès aujourd’hui était une condition nécessaire, mais le plus intéressant dans cette aventure est le fait que - finalement - , au cœur de l’apprentissage se trouve… l’échec. Réduire l’erreur présuppose qu’elle existe.

« Au cœur de l’apprentissage se trouve… l’échec »

Ce que nous avons du mal à accepter dans la vie sociale - l’échec - se trouve pourtant être une condition nécessaire à notre apprentissage comme à celui de nos ordinateurs. Le couple essai / erreur est le processus de base de tout progrès.

Parmi les exemples d’apprentissage automatique, on y trouve la voiture autonome de Google, la classification des courriels dans Gmail, la reconnaissance vocale de Siri, Cortona, Alexa… la reconnaissance faciale… 


Et l’être humain dans tout ça ?

Deux écoles se percutent dans la littérature technique et philosophique. La première intègre l’Homme dans la boucle de l’intelligence artificielle. L’apprentissage est alors supervisé. La deuxième retient l’hypothèse que la machine est plus performante et lui confère une confiance totale. L’apprentissage est alors non supervisé.

Dans la formule que j’ai retenue au début de cet article, l’être humain est une composante essentielle. Je suis certain que nous ne sommes pas encore prêts à inventer des machines universelles capables de nous remplacer intégralement. En revanche, je suis tout aussi certain que l’intelligence artificielle peut nous permettre d’augmenter certaines de nos facultés.

De toute manière, il y a deux limites essentielles à l’Intelligence Artificielle telle qu’elle est ainsi définie.

La première limite vient de l’hypothèse que nous sommes capables de collecter l’intégralité des données. Or ce n’est tout simplement pas possible. Pour ne prendre qu’un exemple très simple, la météo, nous sommes incapables de collecter les variables de pression, température, hygrométrie… de l’ensemble de la couche atmosphérique terrestre. C’est un exemple typique de système complexe dont les prédictions sont toujours fausses. Et nous en faisons tous l’expérience.

La deuxième limite est liée à l’hypothèse d’un environnement stable. Prédire le futur à partir des données passées repose sur la croyance que les corrélations révélées par le passé seront toujours d’actualité. Là encore, un environnement complexe est une très belle illustration de cette erreur manifeste. Vous connaissez certainement l’image du battement d’ailes d’un papillon qui est à l’origine d’une tornade à l’autre bout de la planète⁴. Là encore, la météo est donc un bon exemple. Physiquement, les systèmes chaotiques sont indéterministes, ce qui explique la difficulté.

« Physiquement, les systèmes chaotiques sont indéterministes »

Les mathématiques appliqués et la capacité de calcul nous donnent aujourd’hui accès à des services pratiques et utiles, comme le calcul d’itinéraire, la reconnaissance vocale (même si notre premier contact avec ces systèmes se résume à une tentative de plantage de la machine), des suggestions de lecture ou de musique. Ils permettent également à des géants du numérique de valoriser nos données et comportements personnels par le modèle économique de la publicité. Mais il faut garder la tête froide par rapport à la réalité de l’intelligence artificielle. Il ne s’agit pas de quitter la religion du livre pour emprunter celle du digital. Seule une bonne connaissance des outils et de leur fonctionnement nous permettra de bien les utiliser sans en être dépendants. C’est une condition nécessaire à notre liberté individuelle.

Philippe Contal
Fondateur d'iSDO
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⁴ L'« effet papillon » est une expression qui résume une métaphore concernant le phénomène fondamental de sensibilité aux conditions initiales de la théorie du chaos. « Le battement d'ailes d'un papillon au Brésil peut-il provoquer une tornade au Texas ? », Edward Lorenz, 1972
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